Les bienfaits du thermalisme sur le microbiote selon un professeur en microbiologie

Par L'Officiel du Thermalisme
Publié le 8 décembre 2023 à 16h44 dans

Ventre d'une femme de face avec une main en dessous du nombril et l'autre en dessus

Le microbiote désigne l’ensemble des micro-organismes, notamment les bactéries, présents dans le système digestif humain, jouant un rôle crucial dans la santé et le fonctionnement de l’organisme. Pour évoquer les bienfaits du thermalisme sur le microbiote, l’Officiel du thermalisme donne la parole au Pr Nicolas Barnich, Directeur de l’UMR U1071 M2iSH.

Par le Pr Nicolas Barnich

L ’effet bénéfique des cures thermales sur différentes maladies du tube digestif (colopathies fonctionnelles, colites, diverticulites et maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) est reconnu depuis des décennies. Les preuves objectives de ces effets ont été apportées par différents travaux, s’appuyant pour l’essentiel sur des enquêtes auprès des curistes (notamment en utilisant la méthode validée de mesure de la qualité de vie avant et après cure) et montrant l’amélioration clinique ressentie par les malades au terme d’une cure thermale. Une difficulté majeure dans l’objectivation des effets des cures thermales tenait jusqu’alors à l’absence de marqueurs biologiques spécifiques des pathologies considérées, en particulier des pathologies fonctionnelles, et à l’absence d’explication physiopathologique claire à l’origine de ces maladies.

Impact d’un traitement thermal sur l’inflammation intestinale

L’Association Française pour la Recherche Thermale (AFRETH) et l’Université Clermont Auvergne ont conduit une étude scientifique portant sur « l’évaluation de l’effet des eaux thermales sur le microbiote intestinal – Effets des eaux thermales de Châtel-Guyon et de Vichy sur l’inflammation intestinale, la composition et les fonctions du microbiote intestinal ». Les résultats obtenus démontrent, en utilisant une approche scientifique, que les eaux thermales ont un impact sur la physiologie intestinale. En effet, suite à une stimulation de cellules épithéliales intestinales, soit par un agent chimique (eau oxygénée), soit par un lysat bactérien (bactéries pathobiontes Escherichia coli), l’incubation de ces cellules avec les eaux thermales entraîne une diminution significative de la réponse pro-inflammatoire de la cellule épithéliale.

Par ailleurs, l’impact de l’administration pendant 21 jours des eaux thermales (durée d’une cure thermale) sur différents paramètres (score d’activité de la maladie, dommages histologiques, production de médiateurs de l’inflammation) a été évalué in vivo en modèle murin. Chez des souris présentant une inflammation modérée, des effets bénéfiques, notamment au niveau du score d’activité de la maladie, du taux d’un biomarqueur fécal d’inflammation (lipocaline 2), de la perméabilité intestinale globale, de la production de cytokines chimio-attractantes, et des lésions histologiques, ont été observés. En revanche, dans un modèle d’inflammation sévère, l’effet bénéfique des eaux thermales est partiellement perdu, suggérant que ce traitement thermal est plus adapté pour prolonger les périodes de rémission chez des patients atteints de pathologies digestives, plutôt que pour traiter des phases aigues de leur maladie.

Quel est le mécanisme d’action en modèle murin : modulation du microbiote ?

Ces quinze dernières années ont vu l’émergence de toute une série de travaux, faisant du microbiote intestinal, le responsable de nombreuses fonctions intestinales essentielles à l’organisme, comprenant des fonctions de protection, de digestion et immunitaires. Ainsi, de nombreuses affections du tube digestif sont caractérisées par des modifications de composition du microbiote. Afin de comprendre le mécanisme d’action du traitement par des eaux thermales, la composition du microbiote associé à la muqueuse colique a été évaluée par séquençage du gène codant l’ARNr 16S. Le traitement des souris avec une eau sulfatée-carbonatée-ferrugineuse des sources thermales de Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme) ou une eau bicarbonatée des sources thermales de Vichy (Allier) a conduit à une modification de la béta diversité (reflétant la composition) du microbiote associé à la muqueuse par rapport au traitement avec de l’eau ordinaire.

Femme de profil qui tient un verre d'eau à la main

En termes de phyla, le traitement avec les eaux minérales a conduit à une proportion plus élevée de Firmicutes et des pourcentages plus faibles de Bacteroidetes et Proteobacteria, un signe de l’établissement d‘un microbiote moins colitogène et plus équilibré. Le traitement avec l’eau sulfatée-carbonique-ferrugineuse a en particulier conduit à une augmentation significative de Candidatus arthromitus, une bactérie filamenteuse segmentée, connue pour favoriser la différenciation des cellules Th17, et des bactéries lactiques de type Lactobacillus.

Par ailleurs, les bactéries appartenant au genre Akkermansia, connues pour avoir un impact bénéfique sur la santé métabolique mais un rôle plus discutable dans l’inflammation intestinale chronique, étaient présentes en plus grande abondance chez les souris non traitées que chez les souris recevant une eau sulfatée-carbonique-ferrugineuse. Globalement, un traitement de 3 semaines avec des eaux minérales naturelles est suffisant pour modifier de manière significative la composition du microbiote associé à la muqueuse vers un microbiote plus équilibré et moins colitogène en modèle murin.

Nécessité d’études chez l’homme…

L’effet anti-inflammatoire des eaux thermales sur les modèles de colite chimiques (DSS) avait déjà été rapporté. Par exemple, le traitement oral avec l’eau thermale de Harkány (Hongrie) améliore divers aspects de la colite induite par le DSS chez les souris, principalement grâce à la teneur en sulfure d’hydrogène de l’eau de Harkány. Il a également été rapporté que l’eau thermale d’Avène a un potentiel immunomodulateur, en limitant la capacité des cellules dendritiques à stimuler les réponses cellulaires de type Th1 et Th17 en altérant leur maturation, la production d’IL-12 et d’IL-23, et les fonctions cellulaires accessoires.

L’eau de mer profonde raffinée (RDSW), obtenue à partir d’eau de mer profonde collectée au large de Muroto (Japon), est une eau potable riche en minéraux qui améliore l’environnement intestinal et augmente les AGCC fécaux chez l’Homme. Le mécanisme d’action conduisant aux effets bénéfiques d’un traitement avec des eaux minérales naturelles (comme une eau sulfatée-carbonatée-ferrugineuse de Châtel-Guyon ou une eau bicarbonatée de Vichy) pourrait être la restauration d’un microbiote associé à la muqueuse plus équilibré, comme en témoigne dans nos travaux une augmentation de l’abondance des bactéries bénéfiques et immunomodulatrices, et une diminution de l’abondance des bactéries pathobiontes. Ces observations, qui font intervenir des mécanismes de modulation du microbiote associé à la muqueuse chez la souris, soulignent la nécessité d’étudier chez l’Homme, l’efficacité clinique potentielle de ces eaux minérales naturelles ainsi que l’impact sur le microbiote intestinal, contribuant aux effets bénéfiques des cures thermales sur différentes maladies du tube digestif.

ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER


Source :

  • Contribution du Pr Nicolas Barnich, Directeur de l’UMR U1071 M2iSH, L’Officiel du Thermalisme, le guide de la cure thermale, édition 2023, p.44-45

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

un + 15 =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.