La cure thermale : un traitement écologique de la dermatite atopique selon un professeur de médecine interne

Par L'Officiel du Thermalisme
Publié le 4 décembre 2023 à 14h09 dans

Femme souffrant d'eczéma autopique au niveau du bras

La cure thermale en dermatologie permet de soulager les symptômes de la dermatite atopique et de réduire les lésions liées aux affections cutanées. Pour évoquer la question du traitement de l’eczéma atopique par la cure thermale, l’Officiel du thermalisme donne la parole au Professeur Gisèle Kanny, responsable du laboratoire d’hydrologie et climatologie médicales au CHU de Nancy.

Par le Pr Gisèle Kanny

La dermatite atopique (ou eczéma atopique) est une maladie cutanée complexe influencée par l’environnement. Elle se caractérise par une inflammation d’origine immunologique et des anomalies de la barrière cutanée. Elle survient sur un terrain génétiquement prédisposé : le terrain atopique qui se caractérise par l’anormale facilité à se sensibiliser à des allergènes de l’environnement (pneumallergènes, aliments). L’atteinte cutanée affecte l’image du soi. La dermatite atopique concerne préférentiellement l’enfant et altère la qualité de vie du patient et de son entourage. L’inflammation cutanée va favoriser le développement d’une colonisation staphylococcique et une perte de la diversité microbienne de la flore commensale cutanée. L’influence des conditions météorologiques et de la pollution dans l’évolution de la maladie est soulignée.

La cure thermale dans le traitement de l’eczéma atopique

Neuf stations thermales françaises proposent des soins thermaux pour la dermatite atopique : Avène-les-Bains, La Bourboule, Allègre-les-Fumades, Neyrac-les-Bains, la Roche-Posay, Rochefort, Saint-Gervais-les-Bains, Uriage-les-Bains. Ces stations se distinguent par les propriétés chimiques et physiques de leurs eaux, leur environnement et leur climat (montagnard, méditerranéen ou océanique).

La crénothérapie s’inscrit en complémentarité des traitements pharmacologiques utilisés pour traiter les phases aiguës de la maladie. Elle vise à traiter le terrain en restaurant la barrière cutanée, la tolérance immune et le microbiome cutané. Les soins thermaux associent une cure de boisson, des bains, pulvérisations, douches, des applications de produits dermo-cosmétiques ou de plancton. Il convient de souligner la quasi-absence d’effets secondaires.

La station thermale constitue un espace idéal pour mettre en œuvre des actions d’éducation thérapeutique. Plusieurs études ont démontré l’efficacité de la crénothérapie dans le traitement de la dermatite atopique. L’étude menée à Avène-les-Bains chez 5 916 patients montre que la cure thermale améliore de 42 % le score clinique de dermatite atopique (SCORAD). L’effet porte sur l’érythème (43 %), la sécheresse cutanée (56 %) et le prurit (33 %). L’amélioration du sommeil chez 72 à 74 % des patients est à souligner. La qualité de vie est améliorée à la fin de la cure et cet effet persiste à 6 mois. La consommation de médicaments topiques est diminuée chez 76 % des patients à 6 mois.

Les actions bénéfiques de l’eau thermale

Les mécanismes d’action de la crénothérapie ne sont pas complètement élucidés. Ils mettent en jeu les propriétés chimiques et physiques de l’eau et les effets immunomodulateurs de ses composants. Les travaux de recherche apportent des éléments d’explication scientifique. La température de l’eau induit une vasodilatation qui favorise la circulation sanguine et diminue la pression artérielle. La température augmente la sécrétion de la norépinéphrine, du cortisol et de l’hormone de croissance. Les effets de l’eau thermale peuvent être expliqués par l’augmentation des concentrations de bêta-endorphines qui a des effets immunosuppresseurs en lien avec l’interleukine 10.

Les kératinocytes sous l’effet de la chaleur ou des radiations UV produisent la pro-opiomelanocortine qui est un précurseur d’endorphines. La chaleur peut induire un effet immunosuppressif en diminuant la réponse lymphocytaire humorale et cellulaire par le biais de l’activité glucocorticoïde. Une température à 38-39 °C stimule la migration des phagocytes et les propriétés bactéricides.

Gouttes d'eau sur la peau

Certaines eaux thermales utilisées pour traiter les maladies dermatologiques sont riches en sulfures et sulfates. Les sulfures exercent des effets anti-inflammatoire, kératoplastiques et antiprurigineux. Ils peuvent interagir avec les radicaux libres des couches profondes de l’épiderme et exercer une action anti-inflammatoire et antifongique. L’eau sulfurée peut inhiber la production et le relargage de cytokines tels que l’IL-2 et l’interféron gamma des cellules TH1, une action suppressive sur les cellules de Langherhans. Une action bactéricide sur Staphylococcus aureus est attribuée à la présence de manganèse et d’iodure dans l’eau.

Le zinc et le sélénium sont également impliqués dans l’efficacité des eaux. L’eau thermale d’Avène est une eau pauci-minéralisée à profil bicarbonnaté calcique et magnésien. Son action thérapeutique est rapportée à ses effets sur l’histaminolibération et l’immunomodulation en stimulant la synthèse d’interféron gamma et en diminuant la synthèse d’interleukine 4 par les lymphocytes. L’hydrothérapie induit une accélération de la différentiation kératinocytaire avec une augmentation de l’entrée du calcium par les canaux TRPV6 et la synthèse d’involucrine et de cytokératines 1 et 10, une modification du microbiome cutané en réduisant la colonisation par Staphylococcus aureus et en favorisant le développement d’une flore non-pathogène.

Les modifications du profil immunologique des lymphocytes et de la microflore cutanée sont corrélées avec l’amélioration clinique des patients. Certains micro-organismes présents dans les eaux thermales exercent des activités pharmacologiques sur l’inflammation, le prurit et le renforcement de l’immunité innée. L’extrait d’Aquaphilus dolomiae dans l’eau thermale d’Avène-les-Bains (I-modulia) possède des activités anti-inflammatoires et anti-prurigineuses, est capable d’induire l’interleukine 10 et d’activer des lymphocytes T régulateurs, conférant aux cellules dendritiques un caractère tolérogénique. Le plancton thermal de Molitg-les-Bains dont les précurseurs sont des cyanobactéries et des sulfobactéries de l’ordre des beggiatoales possède des propriétés anti-inflammatoire, anti-oxydante et cicatrisante.

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Source :

  • Contribution du Pr Gisèle Kanny, Laboratoire d’hydrologie et de climatologie médicales, Faculté de médecine de Nancy, L’Officiel du Thermalisme, le guide de la cure thermale, édition 2018, p.52-53
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