Kinésithérapeutes en centres thermaux : pourquoi ces difficultés de recrutement ?

Par Julie Paysant
Publié le 11 avril 2023 à 14h29 dans

massage kinésithérapie centre thermal

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Suite aux informations reçues, autant par des directrices et directeurs de thermes que par nos lecteurs, la rédaction de l’Officiel du Thermalisme a voulu en savoir plus sur les raisons du déficit de kinésithérapeutes dans les établissements thermaux. Le point avec Marie-Catherine Tallot*, masseuse-kinésithérapeute et présidente de la Société française de kinésithérapie thermale.

L’Officiel du Thermalisme : Pour commencer, pourriez-vous nous rappeler la place qu’occupent les masseurs-kinésithérapeutes dans la prise en charge des patients en établissements thermaux ?

Marie-Catherine Tallot : La kinésithérapie en cure thermale est un des maillons de la chaîne de soins thérapeutiques mis à la disposition des curistes. Les soins de kinésithérapie ont avant tout pour vocation de préserver ou de gagner en autonomie, de diminuer la médication et d’augmenter le confort de vie. Les kinésithérapeutes viennent par leur action soulager les douleurs grâce aux propriétés sédatives et antalgiques des eaux minérales naturelles. Les kinésithérapeutes sont amenés à dispenser plusieurs types de soins, principalement lors des cures rhumatologie et des cures voies respiratoires : le massage sous l’eau, la kinésithérapie respiratoire, la mobilisation en bassin. Sans oublier que la possibilité de bouger dans l’eau libère du poids corporel, lève des contraintes et améliore de manière significative la récupération articulaire et musculaire. Les bénéfices d’un massage sont décuplés par les propriétés antalgiques, anti-inflammatoires ou tonifiantes de l’eau. L’objectif du kinésithérapeute est aussi de se projeter sur la durée en améliorant les symptômes de la pathologie du curiste sur un temps long. Avec un espoir de bénéfice sur 6 à 12 mois, autrement dit, jusqu’à la prochaine cure.

Il existe un déficit de masseurs-kinésithérapeutes dans les établissements thermaux. Avez-vous des données chiffrées pour quantifier cette pénurie ?

J’ai des données sur les kinésithérapeutes en France mais je regrette de ne pas avoir de données précises sur les kinésithérapeutes en centres thermaux. En France, il y a à peu près 90 000 kinésithérapeutes dont 13 000 en salariat et 77 000 en libéral. En moyenne, il y a 135 kinésithérapeutes pour 100 000 habitants. Ce qui est insuffisant ! Cependant, en regardant les principales régions qui concernent l’implantation des centres thermaux, il apparaît que les régions PACA, Occitanie, Nouvelle Aquitaine et Auvergne- Rhône-Alpes sont largement dotées en kinésithérapeutes. Par exemple, la région PACA arrive en tête à l’échelle nationale avec 195 kinésithérapeutes pour 100 000 habitants. Cependant, le manque de kinés reste frappant dans les centres thermaux. Les régions du Sud sont mieux dotées, car les kinésithérapeutes préfèrent sans doute vivre dans des régions ensoleillées. Ce qui est intéressant de voir dans ces chiffres c’est que 25 % des kinésithérapeutes français passent leur diplôme à l’étranger. D’où ma réflexion : formons-nous assez de kinésithérapeutes en France et ceci, malgré une augmentation du numerus clausus de 1 %? Pour avoir une analyse fine, il faudrait avoir des données précises des établissements thermaux pour mieux comprendre les raisons de la pénurie de kinésithérapeutes.

kinésithérapie en piscine

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Dans un rapport d’information de l’Assemblée nationale datant du 8 juin 2016 et intitulé « Évaluation du soutien public au thermalisme », le comité expliquait cette pénurie par le fait que les masseurs-kinésithérapeutes sont débordés par l’exercice classique de leur profession. Que pensez-vous de cette explication ? 

Je pense que la pénurie de kinésithérapeutes en centres thermaux est plurifactorielle et c’est un peu réducteur de penser que l’unique raison est le débordement dans l’exercice classique. C’est intimement lié à l’exercice de la profession lui-même. Nous ne pouvons pas  demander à un kinésithérapeute qui a fait cinq années d’étude d’aller dans les établissements thermaux pour faire essentiellement des massages et des activités physiques de rééducation. Les kinés ont élargi considérablement leurs compétences ces soixante dernières années tandis que les centres thermaux n’ont pas encore fait évoluer le rôle du kinésithérapeute dans leur fonctionnement. Prenons une comparaison provocatrice : c’est comme si on lavait le linge au lavoir alors que nous avons une machine à laver à la maison ! Il y a aussi une méconnaissance des établissements thermaux de la part des kinésithérapeutes. Il n’est pas certain que la majorité des kinésithérapeutes sachent qu’ils peuvent exercer en centres thermaux. Troisième sujet : il n’y a pas de modules spéciaux en médecine thermale dans les écoles et instituts de formation de kinésithérapeutes pour inciter les futurs professionnels à exercer en station thermale. Plusieurs acteurs doivent donc agir pour solutionner la pénurie actuelle : les professionnels de santé eux-mêmes en se tournant vers les établissements thermaux, les instituts de formation en donnant une formation plus large et enfin, les établissements thermaux en organisant des rencontres ou en intervenant dans les écoles de kinésithérapie.

En 2016, l’ordre des masseurskinésithérapeutes voulait engager une réflexion sur la création du métier de technicien de physiothérapie qui agirait sous le contrôle d’un kinésithérapeute. Que pensez-vous de cette proposition ? 

M.-C. T : J’y suis favorable. On retrouve d’ailleurs à Aix-les-Bains des anciennes formations de physiothérapeutes thermaux qui se sont transformées en centre de formation de kinésithérapie. La profession a évolué et la pratique en centre thermal doit également évoluer. Il faut accompagner l’Ordre des kinésithérapeutes dans cette démarche. Cette profession intermédiaire doit être sous le contrôle des kinésithérapeutes qui eux-mêmes doivent voir leurs compétentes s’élargir en centres thermaux. D’où l’importance d’accélérer le développement de la Recherche en kinésithérapie thermale (analyse des propriétés physiques de l’eau, développement de nouvelles pratiques et de nouveaux soins). Prochainement, nous allons d’ailleurs soumettre au ministère de la Santé un ensemble de propositions ayant pour objet l’évolution de la kinésithérapie en milieu thermal.

Enfin, comment rassurer les patients inquiets quant à un manque possible de masseurs-kinésithérapeutes dans leur centre thermal ?

C’est un sujet important pour les patients, en effet. Pour les rassurer, il faut préciser que les établissements thermaux organisent autour du curiste une chaîne de professionnels de santé : l’hydrothérapeute, le kinésithérapeute et le médecin thermal. L’objectif de cette chaîne est de soulager leurs douleurs et d’améliorer leurs conditions de vie. Nous sommes aujourd’hui dans une évolution globale, dans laquelle nous améliorons l’efficience des cures thermales par plusieurs axes.

Marie-Catherine Tallot* Marie-Catherine Tallot est masseur-kinésithérapeute, présidente de l’association des Amis du thermalisme et de la Société française de kinésithérapie thermale, membre de la Société française de médecine thermale, du conseil de direction de l’Institut européen du thermalisme et de la commission « Stratégie et Planification » de la FEMTEC (World Federation of Hydrotherapy and Climatotherapy)

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Source :

  • Entretien avec Marie-Catherine Tallot (6 avril 2023)

 

15 commentaires

  • Carlos dit:

    A Rochefort il y a des kinés roumains certains Parlent le français débutant mais ils sont nombreux et ce sont des jeunes

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  • Myriam dit:

    Bonjour, aux Grands thermes de Bagnères de Bigorre, je n’ai pas constaté de pénurie de kinésithérapeutes lors de ma cure. Ils sont souvent de nationalité étrangère, certes, mais les prestations sont de qualité.
    Il est vrai, par contre, que la durée du soin de 10 minutes est insuffisante pour un vrai bien être durable…

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  • Bernadette Huysman dit:

    Comment se fait t’il que cette année nous devons payé (sans être remboursée) pour avoir parmi nos soins et comme j’avais chaque année, le modelage sous eau thermale. ???? Aux thermes Aix-les-Bains

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  • joud pascale dit:

    a digne 10 minutes par patient et que massages du dos kinés etrangers difficultes pour se faire comprendre

  • BAUDOIN Philippe dit:

    Article très intéressant qui met malheureusement encore une fois en évidence un écart notable entre les besoins et l’offre et l’organisation de la santé en France.
    Concernant les cures elles mêmes, a t-il été envisagé et discuté à un moment donné le fractionnement de la cure de 18 jours en 3 mini cures de 6 jours réparties sur les 3 trimestres d’ouverture ? Nous allons en cure depuis plusieurs années déjà et pensons que cette formule serait plus profitable pour les patients, moins épuisante et permettrait à certaines personnes d’aller en cure, car il faut avoir la disponibilité pour consacrer 3 semaines d’affilé pour une cure.

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  • Latou dit:

    Nous avions l’habitude de faire notre cure à St Paul les Dax, or en 2021 pas de kiné et nous avons été informés seulement 10 jours avant le début de notre cure ce qui ne nous a pas plus du tout. Nous n’avons pas fait de cure en 2022 et n’en ferons pas en 2023.La raison de cette défection des kinés n’est certainement pas du au numerus clausus ou autres raisons développées ci dessus, je pense tout bonnement que c’est un problème de rémunération. Nous envisagerons de changer de station thermale n’ayant pas apprécier ce manque de transparence auprès des clients.

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  • cat dit:

    dans certains centres thermaux des Pyrénées de jeunes kiné espagnols venaient. C’étaient de très bons professionnels. L’an passé ils n’avaient pas été acceptés par la fédération d’où une carence en kiné.

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  • CONRAIRIE dit:

    Bonjour. Je suis rentrée hier en cure à Balaruc et je ne peux suivre aucune séance de kiné car il n’y a pas plus de masseur. Je ne suis pas du tout contente.

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  • BROCHARD dit:

    Bonjour,
    En 2019,pas de kiné à Châtel -guyon.Toutefois en rhumatologie des massages étaient proposés au tarif de 90 € non pris en charge par la CPAM pour les 3 semaines effectues par du personnel formé des thermes.Au dire de mon épouse ces massages étaient de qualité voir supérieur aux massages par les kinés que nous rencontrons certaines années.Cordialement.

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  • Gamblin dit:

    Je reviens d’une cure à vals les bains
    Aucun massage pour une orientation RH
    Pas de drainage lymphatique pour cure post cancer du sein un comble !
    Je doute fort de retirer un bénéfice des 3 semaines
    Une curiste qui faisait sa 19 ème cure…

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  • Régine Amisse dit:

    Certainement que tout ça est vrai, mais pourquoi tous les centres de remise en forme ont des kines et en plus ils sont attenants aux thermes. Nous avons plus que tout besoin de massages autant meme plus que ces gens qui vont faire dela remise en forme et qui peuvent se payer des massages. Merci de mavoir lu, si seulement vous pouviez faire passer ce message.

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  • Bernard Krebs dit:

    Il est flagrant que 10 minutes par patient n’apporte pas grand chose…et le Kiné thermal doit trouver que sa position n’est pas terrible

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  • Marie-helene Godlewski dit:

    En 2022 à Aix-les-Bains le manque de kinésithérapeute a diminué la qualité des soins thermaux

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